Ma journée à Quais du polar

Michael Connelly et l’enquête à travers la ville : voilà le programme de ma journée de samedi à Quais du polar, festival du roman policier à Lyon

Je suis une grande lectrice de polars et notamment de Michael Connelly. Savoir qu’il serait présent à Quais du polar cette année, festival international dédié au genre, me met en joie. Je scrute donc l’arrivée du programme et prends note des rendez-vous avec l’auteur. Et je prévois aussi de participer à l’enquête grandeur nature. C’est intéressant et convivial car elle repose sur la rencontre avec des comédiens qui nous distillent des indices. Sans compter qu’il fera beau. Ce sera donc a priori une super journée.

11 heures : Lecture du nouveau roman de Michael Connelly

Rendez-vous au Palais du commerce pour une présentation et une lecture du prochain roman de Michael Connelly, Volte-face, qui sortira le 9 mai. Il s’agit du 25e roman de l’auteur américain, qui fête également les 20 ans de son tout premier roman, Les Égouts de Los Angeles, sorti en 1992 aux Etats-Unis. Volte-face met en scène deux des héros de Connelly, Harry Bosch et Michael Haller Jr. L’inspecteur rebelle de la police de Los Angeles ( LAPD) et l’avocat de la défense vont cette fois travailler dans le même camp. Le district attorney (DA) demande en effet à Haller de reprendre une affaire vieille de 24 ans et de poursuivre à nouveau Jason Jessup. Accusé du viol et du meurtre d’une petite fille, sa condamnation a été cassée par la Cour suprême de Californie, après que le sperme retrouvé sur la victime et enfin analysé s’est avéré ne pas être le sien.

Résultat : tout est à refaire. Car pour le DA, cela ne prouve absolument pas que Jessup est innocent. On comprend alors que l’élément clé du roman sera la remise en cause de l’ADN comme preuve ultime de culpabilité. Haller accepte la mission, à condition de pouvoir engager son ex-femme comme assistante, et Bosch, son demi-frère, comme enquêteur. Faces d’une même médaille et maillons du rouage complexe qu’est la justice américaine, comme l’aime à les présenter Connelly, nos deux héros vont faire face à l’avocat retors de Jessup.

La compagnie Et si c’était vrai a lu quatre extraits clés du roman : la présentation de l’affaire par le DA à Haller, la réunion entre Haller, son ex-femme et Bosch pour lui proposer de les rejoindre, la conférence de presse par Haller et le DA et le transfert de Jessup par Bosch et son co-équiper vers les bureaux de la police. Très sympa et original. Les acteurs jouent les différents personnages ainsi que le narrateur. Les extraits choisis donnent envie de se plonger dans le roman.

A noter que Connelly est passé des éditions du Seuil à Calmann-Lévy. Il a suivi son éditeur et traducteur de toujours, Robert Pépin, à qui Calmann-Lévy a confié la création d’une collection de polars. Pour l’occasion, Calmann-Lévy ressort trois romans de Connelly le 2 avril, avec une préface inédite de l’auteur.

12h30-14h50 : L’enquête

Après un rapide déjeuner, en route pour l’enquête. L’intrigue : Archibald s’est vu confier par son amie Déborah une jolie somme d’argent pour la jouer au casino et la décupler. Sauf qu’il perd tout. Il doit donc trouver un moyen de récupérer cet argent, et ce avant la fin de la semaine. Seule lueur d’espoir : l’héritage que lui a laissé son oncle Bart, qui le lance dans une chasse au trésor à travers Lyon pour s’en montrer digne.

Le parcours de cette année se concentre sur la Presqu’île : Hôtel de Ville, quais du Rhône, Perrache et retour à Cordeliers. Mais le principe de nous faire découvrir la ville autrement, en attirant notre attention sur des détails qu’on ne voit pas d’habitude et en empruntant des chemins de traverse, demeure : petites rues parallèles, sous-terrains aux abords de la gare de Perrache, voûtes, … Quant aux énigmes, elles étaient plus complexes : enregistrement audio à bien écouter, suite de cartes à craquer, calculs, …. C’était moins facile que l’an dernier. Mais toujours aussi passionnant. Les comédiens sont convaincants, le parcours bien préparé et les bénévoles très agréables. Seul bémol : les réponses aux questions de certaines étapes n’étaient pas utiles pour la suite. Le but était donc simplement de se creuser la cervelle ou d’apprendre quelque chose.

Déborah et Archibald, deux des protagonistes de l’enquête /  F.H.

15 h30 : Une heure avec Michael Connelly

A la fin de l’enquête, passant par hasard devant la chapelle Trinité où doit avoir lieu la conférence avec Connelly, nous voyons la queue non négligeable qui s’est déjà formée, une demi-heure avant le début de la rencontre, et qui ne cesse de croître. On décide donc de rentrer dans le rang. Mais la chapelle est grande et nous accueille tous.

Connelly est venu avec Robert Pépin, son traducteur. Les questions portent sur l’ensemble de son œuvre et ses débuts. Le jeune Michael a 19 ans quand il songe à être écrivain. Ses parents lui conseillent un autre métier pour commencer, histoire d’améliorer son écriture. Ce sera le journalisme, dans la rubrique des faits divers. Grâce à cela, il rencontre des professionnels, amasse de nombreux éléments, qu’il ne peut mettre dans ses articles, mais lui serviront dans ses romans. C’est ainsi qu’il se lance, avec le soutien de sa femme. Les Egoûts de Los Angeles, sorti en 1992, met en scène pour la première fois l’inspecteur du LAPD, Hiéronymus Bosch. Pour créer ce personnage, il lui a donné peu de points communs avec lui-même.

Bosch est différent de moi. Nos seuls points communs, c’est qu’on est gaucher, qu’on fume et qu’on écoute du jazz. Il est plus proche de moi désormais, parce qu’on a des enfants du même âge.

Bosch est un solitaire, incompris de sa hiérarchie et aux méthodes peu orthodoxes. Il a beau appartenir au LAPD, il ne correspond pas au profil. Il agit plus comme un détective privé, qui a soif de vérité et veut rendre justice aux victimes.

Les Egouts et les trois romans suivants connaîtront un grand succès. Mais c’est avec Le Poète (1997), qui n’appartient pas à la série Bosch, que Connelly acquiert sa renommée internationale. Mais pourquoi décider de mettre en suspend une série au faîte de sa gloire? Comment a réagi sa maison d’édition?

J’adorais écrire sur Harry. Mais pour garder sa fraîcheur et le préserver, pour garder mon envie et maintenir l’intérêt du lecteur, il fallait que j’écrive sur autre chose. Il  ne s’agissait pas d’arrêter la série, juste de faire une digression. Mais je voulais continuer à faire des polars. J’ai donc créé le personnage de Jack McEvoy, qui est journaliste. Lui, il a plus un rôle d’observateur des enquêtes criminelles , il n’est pas acteur. Cela me permet d’avoir un regard différent. La maison d’édition était surprise et pas très rassurée. Mais ils ont adhéré après avoir lu le manuscrit. Ce qui est étrange, c’est que Le Poète est un livre référence pour beaucoup de mes lecteurs, mais c’est celui sur lequel j’ai pris le moins de plaisir. Parce que Jack me ressemble davantage. Il me demande moins de créativité. Du coup, même si les lecteurs attendaient une suite, je ne l’ai pas faite immédiatement. 

Effectivement, Los Angeles River, sorte de suite au Poète, mais dont l’enquête est menée par Bosch, n’arrive qu’en 2004.

                   Michael Connelly et Robert Pépin / F.H.

L’autre grand personnage de la galaxie Connelly est Michael Haller Jr, avocat de la défense. On le découvre dans La Défense Lincoln (2006). Sa particularité :  il n’a pas de bureau, mais travaille sur la banquette arrière de sa Lincoln, conduite par l’un de ses clients, qui paye ainsi les honoraires. D’où le titre du premier roman le mettant en scène. Ce choix de personnage n’était pas pour déplaire à son traducteur Robert Pépin.

Michael [Connelly, NDLR] est le seul auteur qui décrit comme cela toute la chaîne judiciaire. D’ordinaire, tout s’arrête lorsque le policier a fini son enquête et livre le suspect à la justice. Mais la question demeure : est-ce que le désordre engendré par le crime va être corrigé par une condamnation ? Ici, on voit quelque part la suite, avec le système judiciaire, qui est différent du nôtre, mais tellement bien décrit qu’on comprend assez bien.

Ce roman permet effectivement de toucher du doigt la complexité et les failles du système judiciaire américain. Connelly va même jusqu’à faire des allusions aux affaires traitées par le LAPD et qui ont défrayé la chronique, donnant un côté très “actualité” à ses romans : l’affaire Rodney King, les émeutes qui s’en suivirent et le procès d’O. J. Simpson prennent ici un autre relief.

Les romans de Connelly connaissent un tel succès que Hollywood s’en est emparé. A ce jour, deux romans ont été adaptés au cinéma : Créance de sang (2002), avec Clint Eastwood dans le rôle de l’ex-agent du FBI Terry McCaleb, et La Défense Lincoln (2011), avec Matthew McConaughey dans la peau de Mickey Haller. Le second film était plus réussi, de l’aveu même de l’auteur. La question qui se pose alors est : à quand une adaptation de la série Bosch ?

Cela fait 12 ans que le projet est dans les cartons. Plusieurs scénaristes s’y sont essayés mais je n’ai pas été convaincu par le résultat. Cela aurait pu être l’enquête de n’importe quel policier. On ne reconnaissait pas la vision du monde de Bosch. Ceci dit, je ne pense pas que je ferais mieux, et je sais qu’il y a d’autres talents parmi les scénaristes. Mais après réflexion, je me dit qu’il y a peut-être matière à faire une série télévisée si on n’en fait pas un film. En tout cas, on est toujours dessus. J’espère qu’on verra quelque chose se concrétiser rapidement.

Ce qui est certain, c’est qu’au bout de 25 romans, le succès ne se dément pas. Michael Connelly a vendu plus de 42 millions de livres, traduits dans 32 langues. Gageons que les lecteurs le suivront dans sa nouvelle maison d’édition.

La conférence était très intéressante pour la fan que je suis. Les questions posées sont celles auxquelles j’avais moi-même pensé. Inviter le traducteur Robert Pépin était une bonne idée. Leur complicité était évidente.

Cette 8e édition des Quais du Polar n’a pas désempli. Plus de 45 000 personnes ont participé aux différents rendez-vous avec les auteurs. Les conférences ont par exemple attiré plus de 10 000 personnes. Un record. Outre Michael Connelly, les organisateurs avaient invité entre autres les stars américaines Patricia MacDonald et Thomas H. Cook. Vivement l’année prochaine.

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