Viens chez moi, j’habite sur le Rhône !

Comment vit-on sur une péniche ? Qu’est-ce qui a poussé les propriétaires à se lancer dans cette aventure ? Rencontre avec deux familles qui vivent sur le Rhône

La vie est faite de ces hasards. Rien ne prédestinait ces deux familles à vivre sur une péniche. Sylvie a acheté la sienne il y a 16 ans avec son compagnon et leurs 2 enfants.

 Nous avons fait la connaissance de l’ancien propriétaire qui voulait vendre. On a toujours aimé les bateaux. Alors on s’est lancé.
                                           Vue sur les péniches depuis le pont Morand / F.H.

Pour Nathalie et sa famille recomposée, il s’agissait de trouver un logement plus grand et concilier les envies de son compagnon et les siennes.

Mon compagnon voulait vivre à la campagne, près de la nature. Moi je voulais rester en ville. Quand on a lancé une recherche sur un site internet, avec nos critères de surface et de budget, c’est une péniche à Confluence qui est sortie. On a décidé d’aller voir, pour le fun. Et on a eu un coup de foudre. Le propriétaire l’avait entièrement rénovée. Mais le temps qu’on réfléchisse, qu’on se renseigne sur tout ce que cela impliquait, quelqu’un d’autre l’a achetée. Mais du coup, on savait que c’était ce qu’il nous fallait. Alors on a continué à chercher.

En fait, ils ont laissé des tracts dans toutes les boîtes aux lettres des péniches, jusqu’à ce qu’un propriétaire soit prêt à vendre la sienne car il ne pouvait plus l’entretenir. Mais là, tout était à refaire.

On en a eu pour 6 mois de travaux, dont 3 au chantier de St-Jean-de-Losne [en Côte d’Or, NDLR], très réputé et le plus proche. Nous avons refait l’isolation, la peinture, posé des fenêtres supplémentaires et créé une mezzanine. On est content finalement de ne pas avoir acheté une péniche clé en main. On avait envie de la rénover nous-même.

Aujourd’hui, même si des choses restent à faire, notamment l’extérieur, ils disposent d’une surface habitable de 180 m2 sur leur péniche de 38.5 m de long. Ils y ont emménagé il y a 2 ans.

Vivre sur une péniche, c’est donc le compromis idéal entre ville et campagne, proximité du fleuve et commodités pratiques. Comme l’explique Sylvie.

C’est le fantasme d’être des gens du voyage tout étant immobile. C’est un mode de vie séduisant et dépaysant, en plein centre-ville. On a pour voisins des castors, une famille de cygnes,… On trouve cela nulle part ailleurs.

Bien sûr, comme toute chose originale, cela a demandé de la préparation. Il y a toute une réglementation sur l’habitat fluvial à respecter. Les propriétaires de péniche doivent payer un droit d’amarrage et signer une convention d’occupation temporaire, sorte de bail de location, avec la mairie.

Nous ne sommes pas propriétaires de notre emplacement. La mairie peut nous le reprendre du jour au lendemain. Du coup, la valeur de la péniche ne tient pas compte de l’emplacement.
                                                                                        / F.H.

Il est par ailleurs obligatoire de faire procéder à un contrôle de la coque tous les 10 ans au moins, en emmenant la péniche à St-Jean-de-Losne. 3 jours de voyages sont nécessaires, avec un marinier pour la conduire. Une expérience déroutante. Sylvie se souvient.

C’est très étrange de voyager avec toute sa maison sur le dos. On a l’impression d’être un escargot. D’autant qu’on va aussi lentement qu’un escargot !
Nathalie nous présente la pièce principale, qui offre un grand volume / F. H.

Les 2 péniches datent 1931 et 1932. C’était des cimenteries. Elles sont faites selon le gabarit le plus répandu, le Freysinet, de 38.5 de long et 5.05m de large.  La première chose qui frappe, c’est le grand volume qu’elles offrent ainsi que les hauts plafonds. On ne se l’imagine pas vu de l’extérieur. Les occupants profitent d’une grande terrasse. Sylvie y expose ainsi ses plantes.

    Sylvie sur la terrasse de sa péniche  / F. H

Chez Nathalie, une petite plateforme permet de faire trempette dans le fleuve et remonter sur la péniche. Les copains des enfants sont souvent de la partie. Mais avec des ados, un accident est si vite arrivé. Les parents sont donc vigilants sur la sécurité.

Le papa garde un œil sur sa fille et son amie / F. H.

La vue sur l’autre quai du Rhône et les collines, au grès des changements de lumière, offre un spectacle magnifique. Cachés derrière les arbres, les habitants gardent toute leur intimité côté berge.

       Vue sur la rive droite du Rhône depuis la péniche / F. H

La difficulté, c’est de gérer les températures extrêmes en hiver et en été, comme l’explique Sylvie.

La coque est faite de métal uniquement. Elle est donc très sensible aux écarts de température. C’est donc difficile à chauffer en hiver et à refroidir en été. Du coup, beaucoup d’entre nous testons des solutions moins couteuses et plus écologiques.

Chez Nathalie, on a choisi le chauffage aux murs et le poêle à bois. Grâce à l’isolation neuve, le résultat est satisfaisant.

Vivre sur un fleuve, c’est vivre au grès des courants et des crues.
On ne sent pas trop la péniche tanguer quand il y a du mouvement avec d’autres bateaux. Il faudrait un très gros engin. En revanche, quand il y a des crues, c’est impressionnant. Cette année, il a tellement plu que notre passerelle, qui normalement descend des berges jusqu’à la péniche, s’est retrouvée à l’horizontale. Et pourtant, renseignement pris, on n’a même pas atteint le niveau orange de l’alerte.
Beaucoup de péniches sont faites sur le même modèle / F.H.

Cette communauté s’est constituée en association. L’Association Rhône-Alpes de l’habitat fluvial, présidée par Geneviève Brichet, permet d’échanger sur son expérience et de parler d’une seule voix. Sans compter que la réglementation évolue.

Ce qu’on aimerait, c’est ne plus être vus comme une contrainte par les pouvoirs publics. Sous prétexte qu’on représente une minorité, on a du mal à se faire entendre. On voudrait ouvrir la réflexion pour augmenter le nombre de places disponibles, pour que cela ne devienne pas un luxe et concerne un groupe de privilégiés. Nous avons des profils différents et il faut que cela reste ainsi. Et cela éviterait aussi la spéculation. Parce que contrairement à une maison, une péniche se déprécie indéfiniment.

Avec l’aménagement des berges, la vie est plus agréable qu’avec l’ancien parking. Il y a du passage et des interactions insolites. Comme le raconte Nathalie :

Ce matin, un monsieur m’a interpellée. Il me dit « C’est comment de vivre sur une péniche ? »  Je lui ai dit que c’était génial. « C’est quoi les inconvénients ?»  Aucun, je lui ai dit.

L’association organise sa traditionnelle fête des voisins, lundi 4 juin, sous le pont Morand, à partir de 19h30. Ouverte à tous, c’est l’occasion de rencontrer ceux qui vivent sur ces péniches et d’échanger.

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