Arthur Traiteur : la passion plus forte que le handicap

C’est la Semaine de l’emploi des personnes handicapées. L’occasion d’un focus sur Arthur, paraplégique, qui vit de sa passion, la cuisine

Arthur Brunet était un garçon sans histoire. Mais en ce jour de novembre 2006, sa vie bascule lorsqu’il a un accident de moto-cross, le laissant paraplégique à 19 ans. Les médecins ne sont même pas sûrs qu’il pourra s’asseoir. Arthur et ses parents, Pascal et Pascale, accusent le coup. Le jeune homme passera presque 4 ans sans rien faire. Puis décidera, envers et contre tout, de vivre de sa passion, la cuisine.

Arthur entouré de ses parents, Pascal et Pascale (à gauche),
et Corinne, commerciale de l’entreprise / F.H.

J’avais fait mon apprentissage chez Del Forno puis chez Serge Magner. J’ai beaucoup appris. Quand j’ai décidé de retravailler après mon accident, Serge Magner m’a repris. Il a adapté mes conditions de travail. Mais le rythme était difficile. Je me levais très tôt pour aller à Irigny. Le corps ne suivait pas aussi bien qu’avant.

Arthur et ses parents repèrent alors le labo d’un traiteur en liquidation à St-Lager, en plein cœur du Beaujolais. Ils décident de l’acheter. Arthur Traiteur voit le jour en décembre 2010. Le but est qu’Arthur s’occupe et reprenne goût à la vie. Les parents y mettent toutes leurs économies car bien sûr, les banques ne croient pas au projet.

Une première embauche

Au début, Arthur officie pour de petits cocktails pour les particuliers. Puis, le bouche à oreille fonctionne. Il se charge ainsi de trois mariages la première année, de 25 la deuxième et au moins autant la troisième année. Peu à peu, les parents s’impliquent davantage et finissent par quitter leur emploi pour épauler leur fils à plein temps. Elle à l’administration générale et à la gestion, lui au marketing. Avec un fauteuil qui permet de l’élever, Arthur travaille d’arrache-pieds, au point de s’épuiser. Il est alors temps d’embaucher.

D’abord, une commerciale. Ce sera Corinne, connaissance d’Arthur, qui a déjà travaillé dans le milieu des métiers de bouche. Puis en cuisine. La première personne engagée est un amputé des deux mains. Cela tenait à cœur à Arthur.

Je m’étais promis que la première personne que j’engagerais en cuisine serait une personne à mobilité réduite. On m’a donné ma chance chez Serge Magner. Je voulais faire la même chose.

Le soutien de Christian Têtedoie

Puis lors d’un salon Sirha, il rencontre Christian Têtedoie. Le grand chef lyonnais viendra même le voir dans son labo. Il deviendra conseiller culinaire et prendra une participation dans l’entreprise. Grâce à ce coup de pouce, Arthur Traiteur franchit un cap, avec des commandes pour de gros évènements. L’entreprise compte désormais 5 salariés à plein temps.

La croissance de l’activité tient au travail d’Arthur, exigeant et créatif. Il ne cuisine que des produits frais. Ses recettes originales font mouche : des clubs sandwichs avec pipettes parfumées, des pommes de terre écrasées cuites dans un bain de jus et garnies de différentes préparations, les soupes glacées en tubes à essai, … Arthur pousse même la coquetterie jusqu’à imaginer une vinaigrette avec 17 ingrédients.

Je l’ai mise au point avec l’aide de Christian Têtedoie. Je voulais une vinaigrette sans moutarde. On y est arrivés, avec 17 ingrédients.
Originalité, présentation soignée et fraîcheur sont les maîtres mots du travail d’Arthur Traiteur
/ Arthur Traiteur

Arthur met un point d’honneur à soigner la présentation de ses plats autant que les saveurs. Les intervenants sur un évènement ont ainsi des photos des plats pour ne pas la rater. Et Arthur se déplace pour s’assurer que tout se passe comme prévu. C’est ainsi qu’il fera recommencer la mise en place d’un plat, non présenté comme il le voulait.

Certains disent que j’ai un côté féminin parce que je fais attention à la présentation. Je trouve que c’est très important. C’est sûr que préparer tous ces plats et les dresser pour 500 personnes par exemple prend énormément de temps. On ne s’en rend pas compte de l’extérieur. Mais si ce n’est pas joli, je ne suis pas satisfait.

Des projets de développement

Cette exigence lui vaut les compliments de ses clients, qui remplissent chacun une fiche de satisfaction. Mais Arthur a à cœur de se recentrer sur la création, pour composer ce qu’il appelle la nouvelle collection qui sera proposée aux clients.

Je ne conçois pas qu’une personne invitée à un cocktail en 2012 mange les mêmes choses en 2013. Bien sûr, il y a les incontournables, mais il est important de renouveler les plats.
Pour cela, l’entreprise a engagé un chef pour décharger Arthur.

Aujourd’hui, les projets de développement ne manquent pas : une extension du laboratoire, des travaux pour créer un troisième bureau, et l’ouverture pourquoi pas d’un magasin et d’un bureau commercial à Lyon. Mais aussi la traduction du site en anglais, comme l’explique la mère d’Arthur.

Nous nous sommes rendus compte qu’aucun des traiteurs de la région n’avait de site en anglais. Et pourtant, le Beaujolais est très connu à l’étranger. Nous venons de recevoir une demande d’un couple suédo-australien qui a eu un coup de foudre pour le Beaujolais et va se marier à Villié-Morgon. Ils font venir leurs deux familles. Mais ils ne parlent absolument pas français. Donc toute la prestation doit se faire en anglais, du devis au service le jour J. Mon mari et moi sommes bilingues, nous avons des serveurs bilingues. D’où l’idée de ce site en anglais.
/Arthur Traiteur

En faisant le bilan, les parents d’Arthur sont plus que fiers du travail accompli.

Les obstacles étaient nombreux. C’était pas gagné. Voir son fils si jeune en fauteuil a été difficile. Il a fallu s’adapter. Mais quand on le regarde aujourd’hui aussi épanoui, avec des étoiles dans les yeux, c’est merveilleux. 

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