L’Hôtel-Dieu, institution emblématique de Lyon, fait sa mue

L’Hôtel-Dieu va rouvrir ses portes après des travaux de réhabilitation d’un an et demi. Les Lyonnais vont découvrir des commerces, des bureaux, des logements au printemps prochain, et plus tard un hôtel 5 étoiles et la Cité de la gastronomie. Retour sur l’histoire de ce lieu emblématique de l’esprit humaniste de Lyon et ce grand projet de reconversion.

En plein cœur du centre-ville et en bord du Rhône,
l’Hôtel-Dieu de Lyon a une longue historie avec la ville / F. H

L’Hôtel-Dieu fut fondé au XIIe siècle au bord du Rhône pour accueillir les pèlerins et les pauvres. D’abord administré par les frères pontifes, il passa ensuite aux moines d’Hautecombe, puis à ceux de la Chassagne-en-Bresse, qui le vendirent en 1478 à la Ville de Lyon. En 1583, les échevins le confièrent à des recteurs qui l’administrèrent jusqu’en mai 1791. Pour augmenter sa capacité, les échevins décidèrent la construction d’un plus grand hôpital d’environ 180 lits. Une vingtaine de religieuses, dirigées par une Mère Supérieure, y travaillaient alors. L’établissement avait une très bonne réputation. Mais malgré la création de l’hôpital de la Charité à proximité, déchargeant l’Hôtel-Dieu en partie, celui-ci fut à nouveau trop petit. Un cloître et de nouveaux bâtiments seront construits, ainsi que le petit dôme et les 4 ailes en croix.

Les travaux sont encore en cours / F.H

Durant le XVIIIe siècle, l’Hôtel-Dieu subira de nombreux incendies ainsi que les destructions liées à la Révolution. Et la situation financière était catastrophique. Aux XVIIIe et XXe siècles, l’hôpital fut encore agrandi et gagna en notoriété, devenant un centre actif en chirurgie. Mais la situation économique ne s’améliore pas. Les Hospices civils sont proches du dépôt de bilan et doivent se séparer d’une partie de leur patrimoine. La concurrence avec la privé est de plus en plus difficile. L’Hôtel- Dieu devient inadapté à l’exercice de la médecine moderne et sera fermé en 2010. Les services furent donc transférés dans d’autres hôpitaux du Grand Lyon.

/F. H
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Une place particulière dans le cœur des Lyonnais

C’est l’un des monuments patrimoniaux les plus emblématiques de la ville de Lyon, classé aux Monuments historiques et compris dans le secteur Presqu’île de Lyon inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. Certaines des campagnes d’agrandissement ou de reconstruction ont été financées par la générosité des Lyonnais. Au-delà de l’aspect architectural, l’Hôtel-Dieu brille également par les innovations et les prouesses techniques qui y vont vu le jour. Il a sans cesse contribué à la vie et au rayonnement de la cité lyonnaise. Et il a une place particulière dans le cœur des Lyonnais, notamment la maternité, qui assurait plus de 2000 accouchements par an. C’était aussi un important centre IVG, puisque 2000 interruptions étaient pratiquées chaque année.

Les instigateurs du projet de reconversion ont voulu rendre hommage à cette histoire particulière et l’attachement des Lyonnais à l’Hôtel-Dieu en lançant un appel à témoins auprès des personnes qui y sont nées. Parmi les réponses, des récits insolites : un « coup de foudre » dès le berceau, un beau bébé participant à la crèche vivante, un feu d’artifice observé depuis les fenêtres de la maternité, un match historique de l’OL ou encore mai 68. Le point commun : une fierté d’être né à l’Hôtel-Dieu.

L’exemple de la famille Tayane

Dans la famille Tayane, 9 enfants sur les 10 sont nés à l’Hôtel-Dieu. Nora, 46 ans, et Hayet, 54 ans, ont donc un rapport particulier avec cette institution. Leur mère originaire d’Algérie, Houria, garde de très bons souvenirs de ses accouchements là-bas entre 1957 et 1976, choyée qu’elle était par les sœurs. Hayet se fait sa porte-parole.

Elle nous a raconté qu’elle était restée à la maternité pendant une semaine, alors qu’aujourd’hui, on sort au bout de deux ou trois jours. Les religieuses s’occupaient du bébé toute la nuit, pour permettre à la maman de bien dormir. Elles insistaient pour qu’elle se repose, qu’elle mange bien. Et elles étaient très gentilles. Notre mère se sentait vraiment en famille. Elle dit en plaisantant que c’est pour cela qu’elle a fait beaucoup d’enfants !

Nora, comptable, et Hayet, auxiliaire puéricultrice, se sont rendues à l’Hôtel-Dieu à plusieurs reprises pour visiter de la famille.

C’est un très beau bâtiment, qui fait partie du patrimoine de la ville.. On sent qu’il a une âme. Quand on est à l’entrée, on ne s’imagine pas l’intérieur, qui est magnifique, avec les arches et ces escaliers majestueux.

Nora et Hayet racontent leur lien avec l’Hôtel-Dieu,
où leur mère a mis au monde 9 de ses 10 enfants / F. H

Quand Nora en discute avec d’autres femmes qui y ont accouché, elle constate le même attachement.

C’est difficile à expliquer. Je crois que si on ne l’a pas vécu, on ne peut pas comprendre. Pour elles, la maternité était incomparable.

Nora aime donc mentionner qu’elle est née à l’Hôtel-Dieu dès qu’elle passe devant la bâtisse avec quelqu’un. Au point que ses filles en ont assez.
Comme leur mère, les deux sœurs sont curieuses de voir ce que va devenir le bâtiment.

Notre mère est âgée et ne peut pas donc pas aller voir le chantier. Mais elle s’y intéresse. C’est bien qu’il soit réhabilité. Ce ne sera pas la même chose, parce que l’usage ne sera pas le même, mais au moins, il est reconverti mais pas abandonné ou détruit.

Le projet prévoit des commerces, des bureaux, un centre de convention et un hôtel 5 étoiles
/crédits Asylum et AIA associés

Un projet immobilier et commercial en cœur de ville

En effet, après un an et demi de travaux de réhabilitation, ce bâtiment historique classé redeviendra en 2018 le cœur de l’activité de la cité avec un projet baptisé Grand Hôtel-Dieu.

Le projet de reconversion est porté par Eiffage Immobilier, conçu par les architectes Albert Constantin et Didier Repellin. Il prévoit 42 000 m2 de bâtiments réhabilités et reconvertis, 10 000 m2 de bâtiments neufs, 8 000 m2 de jardins, 7 entrées qui relient cours et jardins aux rues adjacentes.

Mais surtout, il donne de nouveaux usages à l’édifice et proposera diverses activités aux Lyonnais : des commerces, des bureaux, des logements, un centre de convention, un hôtel 5 étoiles et la Cité internationale de la gastronomie. Les premières enseignes qui ouvriront en 2018 ont été annoncées : Wagmama, Vatel, PWC, AMPM, Beefhouse et Fragonard Parfumeur, et plus récemment Clarins, Aroma Zone, Obbo Design, Buddha Bar, Café Mokxa. A ce jour, presque la totalité de la trentaine d’emplacements ont été signés. A terme, les commerces seront organisés autour de quatre grand thèmes, avec des concepts stores inédits à Lyon.

A l’intérieur, 8000 m2 de jardins/ crédits Asylum et AIA associés

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