EmerJean, entreprise à but d’emploi qui ne demande qu’à essaimer dans la Métropole de Lyon

Le 16 septembre dernier, l’élargissement du dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée était voté à l’Assemblée nationale. Après 10 projets lors du lancement en 2016, la proposition de loi en prévoit 50 de plus. Le texte doit passer au Sénat début octobre. Illustration du dispositif avec EmerJean, créé en 2017 à Villeurbanne, qui emploie 40 personnes autrefois au chômage.

L’atelier cuisine d’Emerjean prépare des repas pour les salariés et des entreprises sur commande / Photo F. H.

Dans le quartier Saint-Jean de Villeurbanne, une entreprise pas comme les autres a vu le jour le 27 mars 2017. EmerJean, conciergerie de quartier, est en effet une entreprise à but d’emploi (EBE), née de l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée. A la suite de l’appel d’ATD Quart Monde, le gouvernement de l’époque a mis en place cette expérimentation pour 5 ans. Le but : offrir un emploi aux populations qui en sont le plus éloignées. 9 autres EBE ont été créées au niveau national. A ce jour, elles ont employé 1000 personnes au total.

Des emplois en CDI au SMIC, sans sélection

“A Villeurbanne, la municipalité est à l’origine du projet, relate Bernard Foucher, président d’EmerJean. Elle a décidé de candidater pour être l’un des 10 territoires à expérimenter le dispositif. Un chef de projet et une équipe ont mobilisé les habitants, les associations et les entreprises locales pour monter un dossier. Le quartier Saint-Jean a été choisi car il comptait 400 chômeurs identifiés, de l’activité avec 600 entreprises et 2000 emplois. Mais aussi une forte identité de quartier.”

A sa création, l’entreprise comptait 12 salariés, parmi des bénévoles impliqués en amont dans l’élaboration du projet. 40 personnes en 2017 puis 40 en 2018 ont depuis été engagées en CDI et au SMIC, alors qu’elles étaient au chômage depuis plus d’un an. “Il n’y a pas de sélection. Nous ne dépensons pas d’argent dans un processus de recrutement pour nous assurer d’embaucher les bonnes personnes. Elles sont simplement orientées par Pôle Emploi. Il y a en permanence 60 personnes en attente. On les accompagne pour qu’elles trouvent une solution alternative. C’est pourquoi 1500 personnes au total ont trouvé un emploi au niveau national via le dispositif.”

A la blanchisserie d’Emerjean, les équipes lavent les tenues notamment des clubs sportifs avant de leur livrer /Photo F. H.

L’entreprise est financée à 80% par l’État et les collectivités, sur les budgets des indemnisations chômage, et à 20% par ses propres recettes. “Le financement public correspond à 18 000 € par an et par personne. Ce chiffre se compose de 6000 € d’indemnisations et 12 000 € de manque à gagner en termes de cotisations sociales et d’impôt du fait du non emploi.”

Un accent sur la formation

Cuisine, couture, blanchisserie, jardinage, réparation de vélo, soutien scolaire… Une quarantaine de services, à des prix accessibles, sont proposés aux entreprises et habitants du quartier. “Nous avons élaboré l’offre de différentes manières : à partir des compétences et des envies des salariés d’abord, mais aussi des besoins du territoire, identifiés parfois par les salariés eux-mêmes, et des solutions développées sur d’autres territoires qui ont vocation à être répliquées. En tout cas, le comité local valide les services à mettre en place pour éviter de créer des effets d’aubaine et de prendre du travail à des entreprises existantes.”

Rideaux, masques, sacs : l’atelier de couture d’Emerjean travaille pour la grande distribution et des particuliers / Photo F. H.

2/3 des salariés sont des femmes. La plupart œuvrent sur plusieurs activités, à temps plein ou temps partiel selon leur souhait. Mais les profils sont variés : des jeunes dont c’est le premier emploi et qui ont vocation à sortir du dispositif pour occuper un autre poste, des personnes en fin de carrière qui ont du mal à trouver un emploi au vu de leur âge, ou encore des personnes éloignées de l’emploi pour diverses raisons, comme le handicap. “Contrairement à des programmes d’insertion, nous proposons des emplois durables. Les salariés peuvent très bien rester plusieurs années dans l’entreprise. Pour ceux qui souhaitent rebondir ailleurs, comme les jeunes, ils sont accompagnés par Pôle Emploi. ” Dans cette optique, l’accent est mis sur la formation, avec 10% du temps de travail qui y est consacré.

Des effets positifs indéniables

Decathlon, Eau du Grand Lyon, clubs sportifs : de nombreuses entreprises font appel à EmerJean. C’est le cas des Alchimistes, qui s’est implanté à Saint-Jean et œuvre dans la collecte et la valorisation des bio-déchets. “Nous avons beaucoup de sollicitations sur l’économie circulaire. Cela fait partie des axes de développement, pour proposer d’autres activités. Nous souhaiterions également investir encore davantage sur la formation. Enfin, nous allons quitter les préfabriqués et nous installer dans de vrais locaux où nous aurons plus d’espace. Nous pensons les inaugurer début décembre.”

Le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée a sans conteste des effets positifs sur le tissu local et la vie des salariés. “Outre des revenus, ces personnes ont retrouvé une utilité et une vie sociales. Et même citoyenne puisque la participation aux élections professionnelles a été 3 fois supérieure à l’élection municipale. Pour le quartier, cela a injecté des services, permis des échanges entre différents acteurs et augmenté l’attractivité. Demain, des entreprises s’installeront peut-être ici parce que notre conciergerie existe.”

Preuve d’une certaine concorde sur le bien fondé du dispositif, la loi qui l’étend à 50 nouveaux territoires a été votée à l’unanimité des députés présents à l’Assemblée nationale. Ainsi, le président de la Métropole de Lyon Bruno Bernard souhaite inclure au moins 5 nouveaux projets. La proposition de loi doit passer au Sénat début octobre.

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