6 entrepreneurs lyonnais portent un projet ambitieux pour sauver la planète du dérèglement climatique : récolter un milliard d’euros pour créer 100 start-up qui s’attaqueront aux gaz à effet de serre. Les premiers projets devraient voir le jour début 2021.
Mehdi Coly, Laurent Morel, Coline Debayle, Nicolas Sabatier, Arthur Auboeuf et Denis Galha Garcia veulent sauver le monde. Alors qu’ils dirigent leurs entreprises respectives, sans lien avec l’écologie, ces six jeunes entrepreneurs lyonnais, âgés de 27 à 35 ans, ont décidé de tout lâcher, conscients de l’urgence climatique et de la nécessité de faire bouger les choses. “Nous sommes la dernière génération à pouvoir agir, souligne Coline Debayle. Mais on se sentait impuissants face à la catastrophe annoncée. Et on a perdu la motivation de faire tourner nos entreprises au quotidien. On les a donc revendues ou confié la direction opérationnelle à quelqu’un d’autre afin de nous consacrer à cette nouvelle aventure”.

Photo Time for the planet
Cette nouvelle aventure, c’est Time for the planet. L’idée : une société en commandite par action et l’une des premières entreprises à mission en France. L’objectif : récolter un milliard d’euros et créer 100 entreprises capables de répondre aux défis du changement climatique à l’échelle mondiale. Car novembre 2020 est le mois de novembre le plus chaud enregistré sur la planète et 2020 risque d’être l’année la plus chaude, se rapprochant du record de 2016, selon le programme européenn Copernicus. Les émissions de gaz à effet de serre ont été multipliées par 2 en 50 ans à l’échelle de la planète. Nous devons donc atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 si nous voulons contenir l’augmentation des températures à 1.5 ° à la fin du siècle. Niveau au-delà duquel nos conditions de vie sont menacées.
“Pour cela, tout le monde peut investir dans Time for the planet et en devenir un actionnaire, à partir d’un euro, poursuit Coline Debayle. Mais contrairement à une société lambda, il n’y aura pas de dividendes distribués tant qu’on n’aura pas atteint la neutralité carbone. Et personne ne pourra revendre ses actions pour s’enrichir. A la place, nous rendrons compte de l’efficacité de notre action à travers un indicateur : le taux de retour pour la planète. Il mesurera la quantité de gaz à effet de serre (GES) que nous aurons réussi à éviter grâce à cet investissement. Un conseil de surveillance veille à ce que nous ne perdons pas de vue nos objectifs initiaux.”
Déjà 6500 actionnaires et 1 million d’euros récoltés
Et ça marche. En moins d’un an, plus de 6500 contributeurs sont comptabilisés à travers le monde, particuliers, TPE, PME et bientôt grands groupes. Une communauté et un éco-système se sont créés autour de Time for the planet, grâce notamment à des vidéos devenues virales sur les réseaux. “On nous a dit que ça ne marcherait pas, se souvient Coline Debayle. Lever des fonds sans retour sur investissement, sans passer par une plateforme de crowdfunding, ça paraissait dingue. Mais les mobilisations pour le climat montrent que les citoyens veulent agir.”
A Lyon, des dirigeants se sont engagés, à l’image de Jean-Michel Aulas (Cegid et OL). Sogelink a mobilisé ses collaborateurs pour acheter des actions. “Dans ce cas, ils constituent une planète. Ils mettent en place diverses actions en interne et en direction d’autres entreprises pour les inciter à joindre le mouvement. “
Début novembre, le million d’euros était franchi. “Notre prochain objectif, c’est les 10 millions d’ici début 2021 afin de créer nos trois premières entreprises. Nous sommes en discussion avec de grands groupes et des familles fortunées, capables de donner des grosses sommes.”

Afin de créer ces premières entreprises, Time for the planet a mis au point un processus de sélection en plusieurs étapes. D’abord, un groupe d’évaluateurs formés pour l’occasion fera une pré-sélection selon une grille de 6 items : impact, faisabilité technique, externalités, réplicabilité, potentiel marché et viabilité de l’open source. “Les projets trop locaux et à faible impact ou réplicabilité ne seront pas retenus, souligne Mehdi Coly, co-fondateur. En revanche, l’innovation ne sera pas uniquement technologique, mais aussi d’un point de vue business model ou organisationnel.”
Une sélection via un comité scientifique de 14 experts
Ensuite, un conseil scientifique retiendra les projets les plus pertinents en termes techniques et scientifiques. Parrainé par Jean Jouzel, Prix Nobel de la Paix, climatologue, et ancien vice-président du GIEC, ses membres ont été annoncés ce 1er décembre lors d’une émission. Avec plus de 1 000 publications scientifiques publiées et plus de 2 000 projets accompagnés au compteur, ces 14 experts – chercheurs, entrepreneurs, militants – apporteront leurs compétences très complémentaires (climat, agriculture, mobilité, analyse cycle de vie, industrialisation..) à Time for the planet (voir liste par ailleurs). “Les innovations seront ensuite testées sur le terrain pour aller à la rencontre d’un marché, poursuit Mehdi Coly. Enfin, ces projets se verront associer des entrepreneurs pour pouvoir les déployer. In fine, c’est l’assemblée générale des actionnaires qui votera pour les projets auxquels ira l’argent mobilisé.”
Les projets devront répondre à l’une des vingt problématiques identifiées par l’entreprise et réparties en cinq domaines : industrie, transports, agriculture, bâtiments, énergie. “Pour chacun de ces domaines, nous avons dégagé quatre leviers sur lesquels les projets devront se pencher : développer des sources d’énergie qui n’émettent pas de GES, améliorer l’efficacité énergétique, réduire les émissions de GES sur la chaîne de production, développer des moyens de capter les GES pour réduire leur concentration dans l’atmosphère ” détaille Coline Debayle.
L’open source pour partager et multiplier les découvertes
Particularité : les projets développés seront en open source. Les découvertes seront donc partagées afin que d’autres équipes puissent les répliquer et les améliorer. “L’heure n’est plus à la concurrence mais à la coopération”, comme le dit l’une des vidéos de Time for the planet. “En fait, nous ne voulons pas juste créer 100 entreprises mais 100 filières qui doivent trouver leur marché. Le pouvoir multiplicateur de l’argent permettra de déployer les solutions rapidement.”
Aujourd’hui, Time for the planet reçoit déjà des propositions mais en veut encore plus afin de repérer les pépites, d’où qu’elles viennent dans le monde. “Il y a des chances pour que les premières entreprises que nous créerons soient françaises. Mais nous voulons rapidement internationaliser le mouvement et développer des projets sur tous les continents.” Si ces entreprises font des bénéfices, car elles peuvent être lucratives contrairement à Time for the planet, l’argent sera investi pour financer d’autres innovations.