Diversité en entreprise : “Les choses évoluent dans le bon sens”

Entretien avec Maya Hagege, déléguée générale de l’Afmd, association qui accompagne ses membres, entreprises, universités ou collectivités, dans le management de la diversité.

Pouvez-vous présenter l’Association française des managers de la diversité (Afmd)?
Nous sommes une association loi 1901 d’intérêt général, crée en 2007 par des managers qui souhaitaient mieux gérer leur équipe. Ils et elles voyaient que leur équipe était vraiment diverse et pensaient qu’il était nécessaire de prendre le temps de réfléchir à leurs pratiques. Et donc d’échanger avec les autres pour voir ce qui se fait ailleurs. C’est vraiment le point de départ. A cette époque, la diversité recouvrait “juste” les origines ethniques et sociales. Petit à petit, la définition s’est élargie.


Très rapidement, les nouveaux acteurs de cet écosystème ont pris en compte tous les critères de discrimination et tous les enjeux en lien avec ses critères de discrimination. Des enjeux qui sont parfois transverses et pas seulement en lien avec un critère. Les premières années à l’Afmd, nous avons surtout exploré les sujets. Car il n’y avait pas énormément de travaux de recherche sur ces questions. Donc nous avons étudié le handicap, la carrière des femmes, l’intergénérationnel ou encore la religion au travail. Désormais, nous essayons d’aller plus loin et d’inventer le futur. Nous réfléchissons à comment améliorer les pratiques.

Maya Hagege, déléguée générale de l’Afmd

Il faut bien comprendre que nous ne sommes pas une association comme les autres. D’abord, parce que dans tous nos travaux et toutes nos activités, nous faisons le pont entre la recherche scientifique et le terrain. Donc à chaque fois qu’on crée ou organise quelque chose, on va chercher l’enseignant chercheur ou l’expert qui a travaillé sur le sujet pour apporter quelque chose de nouveau à la réflexion et sortir du terrain. Ou, grâce à ce recul, éclairer sur ce qu’il se passe sur le terrain. Deuxième point important, on essaie de ne jamais oublier le manager, qui est un pivot pour nous, un levier. Aujourd’hui, on se demande ce qu’on peut apporter concrètement au manager, pour qu’il puisse s’emparer des sujets. On essaie de lui offrir des outils clairs pour lui permettre de mieux appréhender la diversité dans l’entreprise.

Que proposez-vous à vos membres?
Il y a plusieurs types d’actions. Nous organisons d’abord des réunions de travail ponctuelles sur des thématiques, lorsqu’on observe qu’il y a un besoin ou une méconnaissance. Notre dernier webinaire concernait par exemple la santé mentale au travail. Il y a des enjeux méconnus dans ce domaine. L’idée était donc de tout remettre à plat. Ensuite, nous avons des activités d’entraide, où l’association va donner un sujet et quelques pratiques qui ont cours dans les organisations. Et puis les participants échangent, pour ne pas partir d’une page blanche mais s’inspirer de l’expérience des autres. Enfin, l’Afmd propose de la co-construction. Ces moments nous permettent de publier des ouvrages ou de créer des outils qu’on va diffuser à tous. Dernièrement, nous avons élaboré un kit d’inclusion des personnes LGBT. Nous allons bientôt publier les conclusions d’une recherche sur l’expression religieuse au travail. L’an dernier, nous avons publié sur le racisme et les discriminations raciales au travail. Tout cela est le fruit d’un travail collectif, de l’intelligence collective de nos membres durant plusieurs séances.

Quel est le profil de vos membres?
Nous comptons 140 organisations membres, dont la majorité appartiennent à trois grandes catégories : les grandes entreprises privées, les grandes écoles et universités et les institutions publiques, c’est-à-dire des ministères, des collectivités locales, des entreprises publiques. On a aussi quelques associations et des moyennes entreprises.

Quelles sont les principales interrogations des managers dans la gestion d’équipes diverses?
Les managers ont trois axes principaux d’interrogation. Le premier concerne une méconnaissance des sujets. Ils ont besoin d’informations ponctuelles. Le deuxième, c’est de s’assurer que la personne qu’ils ont dans leur équipe puisse faire le job. Et ce en dehors de toute question sur la diversité en elle-même, ce qui et une bonne chose. Le troisième concerne des demandes pour lesquelles ils ne sont pas outillés. Par exemple, le manager d’une personne dyslexique va avoir deux questions : est-ce qu’il y a besoin d’un aménagement de poste, et quel est l’impact de la dyslexie sur ce qu’il va lui demander. Et si ça se trouve, il n’y aura pas d’impact. Mais comme ça, c’est clair, pour le manager, le collaborateur et l’équipe.

L’Afmd construit en commun des outils pour aiguiller les managers dans leur gestion de la diversité dans leurs équipes. / Image par Joseph Mucira de Pixabay

On observe par ailleurs qu’il y a de plus en plus de directions ou de services Diversité dans les entreprises mais les managers ont peu connaissance de leur existence. Donc ils vont plutôt s’adresser aux RH ou à la médecine du travail suivant les sujets. En tout cas, cs directions Diversité se développent et mettent en place des choses originales. Elles font face à un fort enjeu de mobilisation des salariés et de notoriété au sein de l’entreprise. Et ce, au-delà du discours de la direction générale qui peut prendre position. Parfois, les managers entendent et comprennent cet engagement formel mais ne savent pas qu’il y a une personne ressource dans leur organisation.

La première étape d’une démarche diversité, c’est de procéder à un diagnostic de la situation de l’organisation

Quels types de conseils pouvez-vous donner aux entreprises?
J’ai deux principaux messages. Parfois, les entreprises mettent en place des choses sans savoir que cela peut relever de la politique diversité. Ce qui veut dire qu’il ne manque pas grand chose pou structurer leur démarche et permettre à une action, deux actions, de devenir presque une stratégie, une démarche globale. Cela suppose de prendre un peu de recul sur ce qu’on a fait dans l’année, ce qu’on va continuer à faire et dans quel cadre on l’inscrit. Quand une entreprise aide une association de quartier, quand elle participe à des forums de recrutement dédiés à la question du handicap, quand elle met en place un parcours de carrière avec égalité de traitement ente les femmes et les hommes, c’est super et il faut le mettre en avant et s’y tenir.

Mon deuxième message, c’est que la première étape d’une démarche diversité est de réaliser un autodiagnostic pour faire un état des lieux et savoir où on en est. Parce que peu-être qu’on n’a pas besoin de mettre en place quoi que ce soit, et peut-être que si. Tant qu’on n’a pas un panorama objectif et clair de ce qui se passe dans son organisation, il est difficile de se lancer. On pourra ainsi évaluer la répartition femmes/hommes, si le processus de recrutement n’est pas discriminatoire, si le parcours des salariés n’est pas différent pour les femmes ou les personnes porteuses de handicap. Dans la communication externe, est-ce que je donne à voir toutes les compétences et toute la diversité de mon entreprise? On peut aussi s’interroger sur la gouvernance ou les achats responsables.

Au fil des années, quelle évolution observez-vous dans la prise en compte de ces questions?
Les choses évoluent dans le bon sens. Il y a plusieurs indices qui donnent de l’espoir, pour citer une collègue. Toutes les organisations, publiques comme privées, progressent. Les villes par exemple font beaucoup de choses et de mieux en mieux. Aujourd’hui, ce qui a changé au fil du temps, ce ne sont pas les actions en elles-mêmes, mais l’approche. Par exemple, sur le mentorat, on a épuisé toutes les façons de le mettre en place. Maintenant que l’on est outillé et que les dispositifs existent, la question c’est comment on va s’emparer du mentorat? Est-ce qu’on va faire du mentorat tout seul dans son coin? Ou est-ce qu’on va créer un système inter-entreprise, pour initier une sorte de mouvement au sein d’un écosystème sur un territoire? Il se trouve qu’on va plutôt vers cela ces dernières années : de la mutualisation, des clusters, de l’entraide. Les entreprises se rassemblent au sein d’une association et vont faire évoluer un territoire. Et je pense que ça va continuer dans ce sens.

Fondamentalement, il y a eu peu d’évolution sur le fond sur ces sujets. Il y a quelques années qu’on stagne sur les actions diversité en général. Il y a moins d’effet de mode où chaque mouvement social impactait la prise en compte des sujets. Le mariage pour tous par exemple a beaucoup impacté la prise en compte des questions LGBT en entreprise. Maintenant, c’est mainstream. Il y a eu le même mouvement sur l’apparence physique ou le racisme. Maintenant, on est dans la continuité de la prise en compte de ces questions.

Qu’en est-il du critère de l’âge? Comment sont prises en compte la question de l’emploi des seniors et de l’insertion des jeunes?
Ce que je peux vous dire, c’est qu’une majorité des membres de l’Afmd s’est emparée de ces questions. A savoir, les travailleurs expérimentés, l’insertion des jeunes, le dialogue entre les générations. Ils ont mis en place au moins un dispositif ou une action : transfert de compétences, facilitation de l’insertion des jeunes, maintien dans l’emploi, accompagnement vers une reconversion ou à la retraite. La question qu’on se pose aujourd’hui, c’est comment ne pas oublier les seniors quand il y a beaucoup de politiques publiques qui se focalisent sur les jeunes. Parce que l’entreprise réfléchit en termes d’opportunités, d’incitations et de cadre légal. Et si le cadre légal incite à l’insertion des jeunes, c’est là que se portera la focale. Comment on arrive à lier les deux sujets? Le gouvernement est en pleine réflexion.

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