Cette entreprise propose à des jeunes en rupture de fabriquer des meubles avec des chutes de bois. Une partie du produit de la vente sert à financer leur formation. Depuis ses débuts en 2017, La Ligne Vertuose a accompagné une quarantaine de jeunes
Comme tous les élèves de France, Daodate et Muhammed ont effectué leur rentrée lundi 4 janvier. Mais la leur est quelque peu différente. A 19 et 18 ans, tous deux sont en stage chez la Ligne Vertuose, atelier de mobilier design et solidaire. Ils apprennent à fabriquer des panneaux à partir de chutes de bois mélaminés de trois menuiseries partenaires, dont les Ateliers Agencement Garnier (AAG), qui les accueillent à Beynost.

Le projet est né de la rencontre entre Guillaume Bourdon, designer, Laurent Pillot, tous eux à la tête du cabinet de conseil en transformation des organisations Ergon’Homme, et Thierry Rueda, gérant d’AAG. Client de Thierry, Guillaume a remarqué les nombreuses chutes de bois, qui représentent 25% dans le secteur et sont vouées à l’enfouissement si elles ne sont pas utilisées dans les trois ans. Avec les inondations de 2015, il a l’idée de fabriquer des meubles avec ces chutes pour équiper les personnes qui avaient tout perdu. En lien avec l’association Le Prado, qui propose des chantiers à des jeunes en rupture scolaire, AAG en accueille certains depuis 2007 sur la même logique : fabriquer des meubles avec des chutes.
Une quarantaine de jeunes accompagnés
L’idée germe alors d’élargir l’opération, en lien avec les Missions locales et d’autres associations qui leur adressent des jeunes de 16-25 ans. Ils sont reçus en entretien par l’équipe pour jauger de leur motivation et discuter de leur projet professionnel. Le but sera d’utiliser une partie du produit de la vente des meubles pour financer une formation. Depuis sa création en 2017, le dispositif a accompagné une quarantaine de jeunes.
“Pour certains, ce sera juste le permis ou de l’informatique. D’autres ont un vrai projet qu’ils n’arrivent pas à financer par les canaux habituels.” Raphaële Rueda Robert est responsable Développement et seule salariée de la structure, basée à Lyon 4e. “Les trois co-fondateurs sont bénévoles. Les jeunes sont encadrés par un salarié senior d’AAG. Nous espérons recevoir l’appui d’un alternant ou d’un volontaire en service civique.”
Les jeunes s’engagent pour un stage de 6 à 7 semaines. Ce qui permet de constituer un budget de 1500 euros maximum. Ils travaillent tous les jours à l’atelier pour répondre aux commandes : des panneaux composés de diverses chutes, qui seront utilisées par des agenceurs pour fabriquer tables, bibliothèques, casiers, tables basses, mange-debout… “Nous proposons 3 tailles de panneaux. Soit la commande précise la couleur et la finition, soit le jeune a carte blanche. ”
Des jeunes transformés par l’expérience
Choix des couleurs et des pièces, découpe sur des machines automatisées puis assemblage : les jeunes réalisent tout eux -mêmes. Pour certains, il s’agit d’une découverte du monde du travail, des règles de l’entreprise et de ses exigences. “Nous insistons sur l’importance de venir à l’heure, de dire bonjour, respecter tout le monde. Cela leur donne un cadre. Et nous constatons cette expérience leur redonne confiance, leur permet de s’ouvrir et se lier aux autres, car ils sont reconnus et peuvent être fiers d’avoir réaliser quelque chose de leurs mains. Les éducateurs qui les suivent nous disent qu’ils les retrouvent transformés. “

La philosophie séduit les clients autant que le design façon patchwork des panneaux. “Vu notre fonctionnement, nous sommes plus chers que le reste du marché. Mais nos clients peuvent expliquer à leurs clients finaux que chaque meuble est unique, puisque la composition de chaque panneau dépendra des chutes que nous avons à disposition. De plus, ils ont une histoire particulière puisque liés au jeune qui les a fabriqués.” Sans compter que la philosophie du projet épouse la tendance de la consommation locale et de l’upcycling grâce à la réutilisation des chutes.
Vers un élargissement du dispositif
Effectivement, les parcours des jeunes de l’atelier sont parfois chaotiques, amplifiés par un environnement familial pas toujours propice à l’épanouissement scolaire. Muhammed est ainsi réfugié angolais, venu seul en France il y a 7 ans. A la fin du mois, il pourra reprendre sa deuxième de CAP Menuiserie. “Je veux continuer dans la menuiserie. J’aime vraiment travailler le bois. Je ne sais pas encore si je ferai un Bac pour après ou si je chercherai du travail. On verra. ” Originaire du Congo, Daodate a en poche un bac pro chaudronnerie. “Mais ça ne me plaisait pas. Je veux faire une formation dans la commande numérique en usinage. C’est la Mission locale de Villeurbanne Gratte Ciel qui m’a parlé la Ligne Vertuose.”

Soutenue par BPI France, La Ligne Vertuose a reçu de nombreux prix social et environnemental. La structure espère pouvoir aménager un espace atelier supplémentaire pour non plus deux mais quatre jeunes en simultané. Ce qui signifie 40 jeunes suivis par an. “On réfléchit également à faire essaimer le concept. A la fois géographiquement, mais aussi en termes de matériau réutilisable.