Association Possible, pour une réinsertion durable des détenus

Créée en 2014, l’association Possible milite pour une meilleure réinsertion des détenus à leur sortie de prison, en mettant l’accent sur l’emploi et les peines alternatives

Depuis 7 ans, l’association Possible, anciennement Chantiers passerelles, œuvre pour la réinsertion des anciens détenus en s’appuyant sur l’initiative citoyenne. Elle milite notamment pour la reconnaissance et le développement des peines alternatives et une meilleure préparation de la sortie grâce à la formation et à l’emploi.

L’association Possible organise des actions de sensibilisation du grand public / Photo Association Possible

Cela passe par une meilleure connaissance des citoyens de la réalité du milieu carcéral. « C’est un sujet et une population peu connus, soulève la directrice de l’association Léa Grujon. Il y a beaucoup de fantasmes qui persistent. Par exemple, que la prison c’est le Club Med. Cela dénote une totale méconnaissance de la réalité des conditions de détention. Nous comptons 118 % de surpopulation en moyenne. Mais cela peut monter à 200 % dans certains établissements. Ce qui signifie des conditions de détention, et donc de travail pour les personnels pénitentiaires, déplorables. Sans parler des rats et des punaises de lits. C’est pourquoi la France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme. Il ne faut pas oublier aussi que la majorité des détenus sont en maison d’arrêt, en attente de procès ou pour de courtes peines. Ces établissements sont les plus surpeuplées, avec en conséquence un accès limité aux activités. Et il faut payer la télé. »

Préparer la sortie pour éviter la récidive

Autre préjugé : les prisons ne comptent que des criminels. « La moyenne de détention est de 10 mois, donc pour des vols, détention de stupéfiants ou délits routiers. Les crimes les plus médiatisés, comme les braquages ou les homicides, sont rares. » Enfin, on oublie que les détenus vont sortir un jour : il y a 200 libérations/jour.

L’autre principal problème concerne le taux de récidive, qui s’établit à 60 %, 63 % s’il n’y pas d’accompagnement à la sortie. Moins de 28 % des détenus exercent ainsi une activité professionnelle pendant leur incarcération. « 50 % des détenus sont sans emploi à leur entrée, 60 % sous le seuil de pauvreté. Ce qui explique en partie le passage à l’acte. C’est pourquoi il est important de préparer la sortie, avec des formations et des propositions d’emploi pour éviter la récidive. »

L’association a ainsi été un acteur important du développement des travaux d’intérêt général, qui ne représentent que 3,5 % des peines prononcées. « Pendant 5 ans, nous avons participé à sensibiliser des associations, collectivités ou entreprises pour accueillir des personnes condamnées. En 2018, l’État a créé une agence nationale, l’Agence du travail d’intérêt général et l’insertion professionnelle, qui va poursuivre ce travail grâce à des référents sur le territoire. Nous avons donc recentré l’action de l’association sur d’autres missions. »

Sensibiliser le public pour pousser à l’action

Reconnue d’intérêt général et basée à Lyon, l’association Possible a donc pour objectif de rendre visible le milieu carcéral pour pousser à l’action. Cela passe par des actions de sensibilisation : déjeuner découvertes d’initiatives inspirantes, RDV au tribunal, balades justice, apéro-justice, interventions scolaires… Les kits d’interventions sont créés et expérimentés à Lyon avant d’être mis à disposition d’autres structures en France. 550 personnes ont été sensibilisées en 2020 et 30 % déclarent qu’elles ont l’intention de s’engager.

Les apéro-justice, des rencontres citoyennes où l’on
s’informe autour d’un verre grâce à des jeux, des débats. / Photo Association Possible

Le deuxième axe concerne l’accompagnement des porteurs de projet d’insertion des détenus, via le programme Act’ice créé en 2018 en partenariat avec Ronalpia et qui dure de 9 mois. 18 initiatives ont été soutenues depuis 2019 : Webforce 3 (formation de développeur web en prison) et l’Association régionale de justice restaurative à Lyon, Barista Academy en Ile-de-France (formation de barista et production de café éthique en prison), Les Beaux Mets (restaurant tenu par les détenus de la prison des Beaumettes) à Marseille.

Pour toutes ces actions, l’association est composée de deux salariées, deux jeunes en service civique et une centaine de bénévoles.

Développer les peines alternatives

Outre le citoyen, l’association Possible n’oublie pas le rôle des pouvoirs publics. D’abord, sur le développement des peines alternatives. « Les juges ne doivent pas hésiter à prononcer des peines alternatives. La prison ne doit plus être la peine automatique et de référence. Il y a un équilibre à trouver avec le besoin de rassurer l’opinion sur l’application d’une punition. Même dans le vocabulaire. Le bracelet électronique est maintenant appelé détention à domicile sous surveillance électronique, parce qu’il fallait souligner que c’était bien une sanction. »

Le chamboule-tout, pour mettre fin aux préjugés sur le système carcéral/ Photo Assocation Possible

Au-delà de l’amélioration des conditions de détention en désengorgeant les prisons, Léa Grujeon plaide pour une meilleure utilisation de ce temps pour préparer la sortie afin d’éviter la récidive. « Outre la formation et l’emploi, il faut favoriser l’autonomie pour un retour à la vie normale. Il n’est pas évident de passer d’une période où l’organisation de sa journée était imposée et contrôlée à une autre où l’on est maître de son temps. Je pense aussi qu’il faut ouvrir les prisons sur l’extérieur. Et ne pas toujours les mettre loin de la ville sous prétexte que la population craint pour sa sécurité. Cela facilitera les choses aux familles des détenus. »

Tout cela nécessite évidemment un budget à la hauteur des enjeux. La France se classe au 23e rang sur les 47 pays du Conseil de l’Europe.

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