Minéka donne une seconde vie aux déchets de la construction

Cette association lyonnaise collecte et revend à prix solidaire des matériaux de construction destinés à la benne pour favoriser le réemploi

3 jours par semaine, les adhérents de Minéka peuvent venir acheter du matériel de construction promis à la benne. Dans cette caverne d’Ali Baba de 600 m² à Villeurbanne, appelée Minestock, ils peuvent trouver des matériaux neufs qui n’ont finalement pas servi, comme du carrelage ou de la peinture, ou des matériaux de récupération, retirés avant des travaux ou une démolition, comme du parquet, du bois de toutes sortes, de la quincaillerie. Et ce, à des prix très intéressants.

Ces adhérents sont des associations ou des particuliers sensibilisés au réemploi. Et/ou qui veulent profiter de matériau de bonne qualité et moins cher. « Cela permet à des famille modestes d’envisager des travaux et améliorer leur habitat. On est fier de participer à l’accès à ces populations », souligne Arnaud Baert, chargé de projet en charge de la collecte. Les professionnels sont rares en revanche, seulement 5 %. « Je pense que c’est compliqué pour eux car ils engagent leur garantie décennal et peuvent avoir peur que les matériaux ne tiennent pas la distance car ils ne sont pas neufs. »

Les éléments en bois représentent la majorité du stock /Photo F. H.

580 000 tonnes de déchets par an sur la Métropole

Le BTP est le premier extracteur de ressources dans le monde, mais aussi le premier pourvoyeur de déchets, avec 580 000 tonnes produites chaque année rien que sur la Métropole. En d’autres termes, le BTP génère trois fois plus de déchets que les ménages. C’est pourquoi un collectif d’architectes, dont Johanne Boachon, toujours directrice, ont décidé de créer Minéka en 2017.

Peinture et parquet de différents matériaux sont proposés / Photo F. H

« Pendant ma formation d’habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre, pour pouvoir exercer, j’ai réalisé mon mémoire sur le réemploi de matériaux. J’y expliquais que je comptais travailler de cette façon, en réutilisation des matériaux encore en bon état. En interrogeant les acteurs, je me suis rendu compte que c’était compliqué car il n’y avait pas vraiment d’endroit où se fournir. Donc j’allais être confrontée au même problème que mes confrères après mon diplôme. Avec d’autres architectes, nous avons retourné le problème en créant nous-mêmes un lieu ressource. »

Depuis sa création, Minéka a ainsi sauvé 179 tonnes de déchets de la benne. 47 % était du réemploi, le reste du neuf. Le bois constitue 64 % du lot.

Une collecte sur les chantiers

L’association démarche sur les chantiers. « Les entreprises doivent payer pour être débarrassées de leur rebus. On leur propose, pour moins cher, d’en récupérer une partie. Une partie seulement parce qu’on sélectionne ce qu’on est sûr de pouvoir revendre en l’état, sauf à enlever des clous et des vis. Sinon, ce n’est pas intéressant pour nous.», explique Paul, en service civique au sein de l’association après des études d’architecture d’intérieure. Lui aussi compte travailler avec le réemploi.

En amont, l’association accompagne les maîtres d’œuvre et d’ouvrage sur une réflexion pour qu’il y ait le moins déchet possible sur le chantier. « On établit des fiches techniques des matériaux utilisés et des techniques de pose pour pouvoir anticiper les débouchés au moment du retrait ou de la démolition, détaille Arnaud. On peut aussi les conseiller sur des techniques de pose qui facilitent cette étape. »

La quincaillerie n’est pas oubliée chez Mineka / Photo F. H.

Un acteur bien implanté et identifié sur les déchets de la construction

Mais tout cela prend du temps et de l’argent. « Pour l’instant, seuls les acteurs les plus engagés sont réceptifs. Car lors d’un appel d’offre, c’est la solution la plus rapide et la moins chère qui remporte le marché. Avec cette démarche, le professionnel n’est plus compétitif face à ses concurrents. Aujourd’hui, les entreprises de démolition doivent juste faire appel à un prestataire pour évaluer les possibilités de réemploi. Il faudrait une législation globale pour mettre tous les acteurs à égalité. Et que les clients, particuliers, entreprises ou collectivités, soient sensibilisés sur ces questions et imposent qu’elles soient prises en compte. Si la demande est exigeante, l’offre suivra. »

Aujourd’hui, Minéka est bien implantée et identifiée dans le paysage. A tel point qu’elle est sollicitée de toute la France, alors qu’elle s’est imposée un rayon d’action d’une heure autour de Lyon. « On se dit que ça ne sert à rien de faire deux heures de route pour récupérer du matériel. Ce qu’on gagne en réemploi, on le perd en pollution. Mais il n’y a pas d’autres acteurs. Parce que le modèle économique n’est pas évident à tenir. Il faut avoir beaucoup de stock en permanence, ce qui nous oblige à élargir le gisement. Et en même temps, il nous faut de l’espace, donc ça doit se vendre rapidement, car les frais de stockage et déchetterie en bout de course sont à nos frais. »

Grâce au catalogue des matériaux disponibles, les adhérents peuvent préparer leur visite. /Photo F. H

Une formation auprès des professionnels sur le réemploi

Minéka en est à sa quatrième localisation depuis ses débuts. L’association a répondu à un appel d’offre de la Métropole pour occuper ces locaux de la rue de la Poudrette à moindre coût. Elle côtoie un atelier Emmaïus qui forme à la menuiserie et à l’ébénisterie, et utilise le bois de récupération de Minéka.

Minéka reçoit des subventions de la Région. Pour compléter ses ressources, elle propose des formations aux professionnels et architectes sur le réemploi, son usage dans la construction. « Nous avons été précurseurs à la création de l’association. Former nous permet de garder le lead sur le sujet. » L’association compte 5 salariés, après des débuts avec juste Johane et Arnaud et seulement un jour d’ouverture au public. Et surtout, d’autres projets du même genre se montent ailleurs en France.

Une pratique ancienne dans le bâtiment
Le réemploi n’a rien de nouveau, comme l’explique Johanne : « Le réemploi est une pratique ancienne dans le bâtiment qui a été oubliée avec la Révolution industrielle, où on a généré de nouveaux matériaux qui venaient de plus en plus loin pour construire plus vite. Il fallait aussi détruire plus vite, et donc détruire moins cher, c’est-à-dire ne pas garder l’élément pérenne. Le réemploi fait son retour car le bâtiment est en train de se conscientiser. Des architectes sont impliqués depuis longtemps et veulent faire du réemploi car ils sont conscients des problèmes liés au secteur du BTP. Dans les pays émergents, la pratique a toujours cours. »

Plus d’infos : Mineka

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