L’association Des espèces parmi’Lyon sensibilise le grand public et conseille les collectivités pour préserver la biodiversité de la faune et de la flore en milieu urbain
En ce mardi après-midi ensoleillé, une vingtaine de personnes se sont rassemblées dans le parc des Chartreux, dans le 1er arrondissement de Lyon. Et ce n’est pas pour lézarder sur la pelouse ou se challenger au mölkki. Ils répondent à l’appel de l’association Des espèces parmi’Lyon, qui milite pour la biodiversité en ville. L’objectif de cette animation : partir à la découverte des insectes qui peuplent nos quartiers. Armés d’un filet et d’un flacon, les participants vont devoir observer et capturer ces créatures pour pouvoir les prendre en photo et permettre à l’association de les répertorier.
Car la présence ou l’absence de certaines espèces renseignent sur l’état de la flore, dont elles dépendent pour se développer. Divisés en 3 groupes, chacun guidé par un référent de l’association, les participants partent dans différentes directions. « Il est parfois difficile de déterminer de quelle espèce il s’agit. Il est souvent nécessaire de disséquer les parties génitales. D’autres fois, on aura besoin de savoir sur quelle plante l’individu a été repéré, car c’est tout ce qui va différencier une espèce d’une autre » , explique Matthieu. L’appli Inaturalist permet ainsi d’envoyer des photos à des spécialistes du monde entier pour identifier un individu.

Des espèces dites nuisibles, mais indispensables à la biodiversité
Papillons, fourmis, abeilles, gendarmes, araignée feront parti de la récolte du jour. Matthieu parlera également des plantes, comme les grimpantes dont l’importance est négligée parce qu’invasives. « Le lierre est souvent arraché parce qu’il est considéré comme nuisible. Mais il abrite quantité d’insectes. Lorsqu’il se place au pied des arbres, il empêche d’autres plantes de se développer et permet donc à l’arbre de grandir. Et comme ses feuilles et ses fruits sont toxiques, il décourage les rongeurs de s’attaquer à l’écorce de l’arbre. »

L’association mène ainsi une opération La Nature fait le mur. L’objectif : végétaliser les façades avec des plantes grimpantes. « Cela permet de limiter l’amplitude thermique et donc de rafraîchir considérablement l’atmosphère lors des canicules», explique Quentin, co-directeur de l’association et autre guide lors de cette sortie.
Des actions de sensibilisation et des projets de préservation
En temps normal, l’association, créée en 2016, organise une sortie par semaine, qui peuvent rassembler jusqu’à 70 personnes. Avec ses trois salariés, 50 bénévoles actifs et 500 adhérents, elle a mené 55 actions de sensibilisation en 2019. Mais aussi des initiatives impliquant le public, comme planter des haies ou creuser des mares.

Outre ces actions pour sensibiliser le grand public, l’association conseille et accompagne les décideurs politiques dans l’aménagement d’espaces verts. « Nous avons participé au projet Gabiodiv, au niveau de la Guillottière. Les gabions sont des berges naturelles de 60 m sur le Rhône. Végétalisées, elles sont comme des habitats naturels. Nous avons ainsi vu revenir castors, hérons et martin-pêcheurs qui avaient disparu du Rhône», précise Quentin.
1500 espèces animales et végétales dans le 1er arrondissement
Globalement, la situation environnementale de l’agglomération n’est pas mauvaise : deux grands cours d’eau, deux collines boisées et de vastes parcs et jardins. « Mais le bâti, couplé aux grands axes routiers, constituent des obstacles, et parfois des no birds zones. Même si certains oiseaux ont besoin des façades des bâtiments. Donc l’homme peut être facilitateur ou entrave à la biodiversité », relève Quentin.

L’association note plusieurs points positifs ces dernières années, comme l’arrêt de l’usage de produis phytosanitaires ou le développement de petits jardins de rue. « Mais c’est insuffisant face aux mauvaises habitudes telles que la tonte trop systématique ou le non respect des caractéristiques des milieux. Il faudrait moins d’intervention de l’homme et créer des zones de « naturation », en quelque sorte, où la nature se régulerait toute seule. » C’est le cas du parc des Chartreux.
Sur le 1er arrondissement, où l’association a mené un travail d’inventaire avec les habitants, 1500 espèces sauvages végétales et animales ont été répertoriées. « Elles ont plusieurs caractéristiques. D’abord, elles sont méditerranéennes. Elles remontent avec la chaleur des villes depuis l’Afrique ou le Moyen-Orient. Sans compter les espèces végétales qu’on importe. Certaines sont ordinaires, comme ces papillons qui se nourrissent de 150 espèces de plantes et sont mobiles. Elles s’adaptent plutôt bien aux changements que nous vivons. D’autres sont spécialisées, comme le pigeon qui a besoin de la présence de l’homme, le martinet ou le faucon pèlerin qui s’installent dans des cavité rocheuses et s’adaptent au bâti urbain. Et puis il y a les espèces rares. Nous avons par exemple de grands arbres dans nos villes qui auraient été abattus ailleurs. Ils permettent à des coléoptères comme le lucane cerf-volant, qui nichent dans du vieux bois, de se développer. »
Des espèces négligées ou en danger
A l’inverse, des espèces voient leurs populations diminuer. « L’hirondelle de fenêtre ou les serpents sont en danger. D’autres sont liées à des zones humides qui manquent. On compte ainsi beaucoup moins d’espèces de libellules dans Lyon qu’au Nord ou au Sud de l’agglomération. Les petits crapauds sont moins nombreux également car ils ont besoin d’un réseaux de mares. »
Enfin, il y a les espèces qui souffrent d’une mauvaise image, sans discernement ou prise en compte du rôle qu’elles jouent dans l’éco-système. « Les mauvaises herbes sont systématiquement arrachées. Alors que c’est grâce aux ronces ou aux orties que nous avons de beaux papillons. Nous faisons la chasse à toutes les punaises alors qu’il n’y a que trois espèces qui sont pénibles pour l’homme sur 90 au total. Enfin, on néglige la faune du sol, alors que ces petits animaux en nourrissent d’autres et sont donc indispensables à la chaîne alimentaire. Or les sols sont pollués, piétinés ou labourés. »
L’association a donc créé le challenge Diversité, avec des fiches pratiques pour qui veut créer un milieu propice à la biodiversité et au retour d’espèces disparues.
En savoir plus : Des espèces parmi’Lyon