Cette application permet de venir en aide à des sans-abri en mobilisant ses utilisateurs. L’association qui l’a lancée veut lutter contre l’isolement social des personnes à la rue
L’histoire d’Entourage est née d’une histoire personnelle. Son fondateur, Jean-Marc Potdevin, croisait Marius, SDF, en se rendant à son travail. L’homme d’affaires prenait le temps de le saluer et discuter avec lui. Si bien qu’une amitié s’est tissée ente les deux hommes. D’autant que Marius est toujours souriant et jovial.
Un jour toutefois, Jean-Marc retrouve un Marius beaucoup moins souriant, la mâchoire sévèrement amochée. Il avait été agressé dans la nuit. Mais il refuse d’aller à l’hôpital. D’abord démuni, Jean-Marc a l’idée de mobiliser ses réseaux sociaux pour trouver un dentiste qui pourrait soigner Marius gratuitement. Sauf que le médecin déconseille à son patient de retourner à la rue sous peine d’infection. Jean-Marc fait à nouveau appel à la solidarité de ses contacts et trouve un hébergement à Marius grâce à la bénévole d’une association.

Un réseau pour lutter contre l’isolement
Et c’est ainsi que Jean-Marc comprend une chose essentielle. Bien que les trajectoires de vie des sans-abri soient différentes, ils ont une chose en commun : la perte de lien social et de réseau. Il s’est dit qu’il pourrait en faire profiter des personnes dans le besoin, même s’il pouvait se sentir illégitime à agir car il ne milite dans aucune association.
Ainsi est née l’application Entourage. Son but : lutter contre l’isolement social des personnes sans abri, vivant à la rue, dans des bidonvilles, des foyers, chez un tiers ou un logement précaire. Elle permet de créer une action en fonction de leur besoin : un duvet, des vêtements, un emploi, un café. L’avantage étant que les personnes concernées connaissent bien l’application et peuvent eux-mêmes mobiliser les utilisateurs. Car 70 % des sans-abri possèdent un smartphone.
L’application est lancée à Paris en 2016, puis à Lyon 2 ans plus tard. Elle est désormais disponible à Grenoble, Lille, Rennes, en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine. Elle compte 13 000 utilisateurs, 6000 à Lyon. « A Lyon, 700 actions ont été crées, dont 300 par les sans-abri », précise Marine Cadene, responsable de l’association à Lyon.

Des rencontres pour créer du lien
L’association ne s’est pas arrêtée là. Elle a inclus les sans-abris dans un Comité de la rue,qui a construit un champ d’actions de sensibilisation sur leur situation, Simple comme bonjour. « Il s’agit d’abord de mieux connaître et de déconstruire les préjugés sur les sans-abris. Il faut savoir par exemple qu’il y a 40 % de femmes et que seulement 14 % d’entre eux mendient. Nous expliquons ensuite le rôle du citoyen. Il suffit de dire bonjour, discuter, offrir un café. Enfin, nous leur indiquons comment ils peuvent agir concrètement. »
Car d’après une enquête de la Fédération des Samu sociaux de mars 2020, le premier des besoins à satisfaire pour les sans-abris, c’est le contact humain. « Parler passe avant se nourrir et se loger, détaille Marine Cadene. Dans une enquête de BVA de 2013, 83 % des sans-abri interrogés disaient ressentir le rejet des passants. Il est donc urgent de recréer du lien. »

Entourage s’y attèle à travers diverses actions. L’association organise des rencontres entre les sans-abri et les habitants afin qu’ils apprennent à se connaître. C’est l’occasion aussi de parler d’autre chose que de leur situation, en complément du travail des professionnels. Cela passe par des ateliers cuisine, des apéros ou des sorties culturelles.
Une situation qui se dégrade
Depuis un an, l’opération Les Bonnes Ondes réunit des bénévoles qui appellent les sans-abris et tissent une relation sur le long terme avec eux. « Nous avons lancé cette initiative lors du premier confinement car nous avons senti que ce serait nécessaire. A Lyon, 47 personnes ont ainsi été suivies, dont des étudiants. »
La crise du Covid ne va en effet pas arranger une situation qui se dégrade depuis plusieurs années. « Le nombre de personnes sans abri a augmenté de 50 % en 10 ans sur la Métropole. Le Samu social a rencontré 2000 personnes en 2019, dont 602 enfants scolarisés ou en âge de l’être. C’est le résultat des crises migratoires et de l’augmentation du nombre de travailleurs précaires. On sait aussi que 30 % des sans-abri viennent de l’aide sociale à l’enfance. »
Bref, une plus grande solidarité avec les personnes sans abri est plus que nécessaire.
Plus d’infos : Entourage