La précarité menstruelle touche environ 2 millions de femmes en France. Règles élémentaires en a fait l’objet de sa lutte, via la collecte et la redistribution de produits hygiéniques
Selon une enquête Ifop de 2019, 1,7 millions de femmes en France doivent régulièrement choisir entre se nourrir et acheter des protections hygiéniques. On estime que le chiffre est passé à 2 millions aujourd’hui avec la crise. Par ailleurs, 1/3 des étudiantes seraient concernées. Selon une enquête de la FAGE, une sur dix fabriquerait ses propres protections.
C’est ce qu’on appelle la précarité menstruelle. En moyenne, l’hygiène menstruelle représenterait un coût de 90 euros par an (7,50 euros par mois), soit 3420 euros au cours de la vie d’une femme, sans compter les anti-douleurs, les sous-vêtements et les draps, qui peuvent être abîmés par le sang des règles.
Des collectes de produits hygiéniques
Pour prendre à bras le corps ce problème, Tara Heuzé-Sarmini a créé Règles élémentaires en 2015. Il s’agit de la première association en France de lutte contre la précarité menstruelle. Depuis, 6 antennes ont ouvert en région, celle de Lyon en 2017.
Le cœur de l’action de Règles élémentaires : des collectes de produits hygiéniques. « N’importe qui peut être collecteur, précise Katia Samrani, bénévole à l’antenne de Lyon. Il suffit de s’inscrire sur le site pour recevoir des instructions. La collecte peut être ponctuelle ou permanente. L’association se charge de la logistique pour acheminer la collecte à des associations partenaires qui vont la distribuer à des bénéficiaires : Croix Rouge, Restos du cœur, Emmaüs. Mais aussi des CHU ou associations spécialisées auprès de femmes précaires. »
5 millions de produits hygiéniques ont été collectés depuis la création de l’association, pour 100 000 femmes bénéficiaires via 200 associations partenaires et 1000 collectes. 100 000 produits ont été collectés à Lyon en 2020. 40 lieux de collecte ont été mis en place récemment par la Métropole.

Sensibilisation et formation pour briser le tabou des règles
« Nous collectons des produits jetables, soit des serviettes et tampons, mais aussi des réutilisables pour lesquels nous tenons des ateliers de sensibilisation pour former les bénéficiaires à les utiliser correctement. Nous voulons garantir leur liberté de choix. »
Plus globalement, afin de briser le tabou des règles et sensibiliser le plus grand nombre, l’association tient des conférences dans les entreprises, dans les écoles, dans les universités ; via des interventions lors de festivals, de forums, de soirées … « Nous devons éduquer dès le plus jeune âge sur le cycle et l’appareil reproductif, mais aussi la réalité des douleurs. Le monde médical a trop longtemps dit aux femmes qu’avoir mal pendant les règles était normal. D’où de gros retards de diagnostic de l’endométriose par exemple, qui touche environ une femme sur 10.»

Offrir le choix aux femmes
Pour répondre à l’urgence dans le milieu étudiant, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal a annoncé la mise en place de 1500 distributeurs de protections hygiéniques gratuites dans les universités et les CROUS à la rentrée 2021. Cette annonce intervient après des expérimentations dans des établissements du secondaire, les universités, les prisons ainsi qu’auprès des femmes en situation de précarité. L’Écosse est allée un peu plus loin en prévoyant de les rendre disponibles dans tous les bâtiments publics.
En France, après une longue bataille et une première opposition des députés, la TVA sur les produits hygiéniques a été abaissée de 19,6 % à 5,5 %. Des militants demandent sa suppression et une harmonisation à l’échelon européen. « La gratuité dans les universités c’est bien, mais il n’est prévu que des produits jetables dans ces distributeurs. Or il faut que les femmes aient le choix. Cela suppose de l’information et des formations. D’autant que les industriels ne sont toujours pas tenus de mentionner les ingrédients qui composent ces produits. De plus, ce genre de mesure risque de freiner le développement d’initiatives innovantes relatives aux protections réutilisables. L’autre piste, c’est que cette dépense soit prise en charge par la Sécurité sociale mais les plus précaires et les femmes à la rue n’y auraient pas accès. »